L’effet boomerang
Construisez le dialogue avec vos anciens employés, par Carole Pailhé
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Il y a quelques jours, Qian Wang, du service « Talent Recruitment » du groupe L’Oréal, m’a écrit un message sur mon profil LinkedIn. Ses questions : ce que je deviens et si je serais tentée par une opportunité chez eux. On pourrait s’étonner d’une telle initiative de la part d’un groupe qui n’a a priori pas besoin de chasser pour attirer des talents. Mais le plus surprenant à mes yeux est que L’Oréal est mon ancien employeur. Il y a 13 ans, j’ai eu la chance d’y entamer ma carrière.
Qu’est ce qui pousse donc un géant mondial, dont la marque employeur collectionne les palmarès mondiaux, à maintenir le contact avec ses anciens salariés ?
Depuis les années 60, les cabinets de conseils, McKinsey en tête, cultivent leur réseau d’ « alumni », par le biais de clubs sociaux et de dîners mondains. Aujourd’hui, tous secteurs confondus, il n’est plus rare de réembaucher ou de faire des affaires avec un ancien employé. Dans un marché du travail plus fragmenté, il est bien loin le temps où employeurs et salariés claquaient la porte en partant. L’effet boomerang (métaphore de l’ancien collaborateur qui retourne aux sources) fait désormais l’objet de véritables stratégies RH.
Comment cela fonctionne ?
Tracking, événements sociaux, entretiens bilatéraux, réseaux en ligne, les outils sont nombreux pour instaurer et pérenniser le dialogue avec ses anciens salariés.
Certains font appel à des plateformes dédiées comme le Crédit Suisse et son Crédit Suisse Alumni Group lancé en 2010, ou bien Procter & Gamble avec P&G alumni qui compte plus de 600 membres en France. D’autres utilisent des groupes – souvent initiés par des bénévoles – sur les principaux réseaux professionnels. Qian m’a ainsi repérée via le groupe L’Oréal Alumni sur LinkedIn.
L’idée fait lentement son chemin en France. Parmi les freins à anticiper, il y a le ressentiment de part et d’autre, la défiance vis-à-vis d’une entreprise qui nous a « viré » ou d’une personne qui a « déserté », la possible sous-estimation des efforts d’adaptation à fournir de part et d’autre…
Pour quels bénéfices ?
Côté entreprise, le boomerang ramène avec lui :
1 Des gains en termes de flexibilité. Selon le rapport 2012 de KPMG Rethinking Human Resources in a Changing World, 41% des entreprises interrogées font appel à des anciens salariés en sous-traitance. Une main d’œuvre déjà formée et connue, donc fiable et rapide.
2 … et de développement commercial. Les anciens salariés, désormais en poste chez des clients ou partenaires potentiels, constituent d’excellentes références. Certains cabinets de conseil cartographient leur réseau d’alumni pour repérer de nouvelles portes d’entrée sur des comptes convoités.
3 Un vivier de talents. Réembaucher des employés boomerang, qui ont connu d’autres environnements professionnels, peut apporter un nouveau souffle à l’entreprise. Ils sont également plus fidèles, ayant expérimenté que l’herbe n’était pas toujours plus verte ailleurs.
4 Un recrutement plus rapide et économique. Selon Anne Berkowitch, PDG de SelectMinds, embaucher des anciens salariés diminuerait les coûts de recrutement de 50% à 60% : plus besoin de passer par un intermédiaire, possibilité de vérifier rapidement les antécédents professionnels, mais surtout un temps d’intégration et de formation raccourci.
5 Un feedback précieux. Passé un délai raisonnable pendant lequel chacun digèrera la séparation (la courbe de deuil), certaines entreprises interrogent leurs salariés démissionnaires. Ces derniers peuvent alors s’exprimer librement sur les raisons de leur départ et ainsi pointer des zones d’amélioration dans l’organisation.
Et L’Oréal dans tout cela ? Je vous donne rendez-vous dans un billet ultérieur pour plonger plus avant dans la question spécifique du recrutement d’anciens salariés, un espace prometteur à défricher.
Plus généralement, une chose est sûre : vos anciens collaborateurs sont un élément de votre capital immatériel. A vous de jouer : comment comptez-vous le valoriser ?