Inspirez, Espérez…
Communiquez sur les bénéfices, par Carole Pailhé
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Le film No, du réalisateur chilien Pablo Larraín, est sorti en salles le 6 mars dernier. Il raconte comment Pinochet a perdu le pouvoir en 1988 à l’issue d’un référendum. Il est aussi une leçon de marketing pour quiconque souhaitant mobiliser autour de ses projets.
Au départ, les opposants axent leur campagne en faveur du Non (d’où le titre) sur la dénonciation des exactions du régime. Le héros, publicitaire de profession, doit donner son avis sur un pré-projet – images sombres, violences policières, décompte des meurtres, tortures et disparitions. Le jugement est sans appel : « Ce n’est pas vendeur. Si vous voulez gagner, il faut être plus sympathique ».
Rompant avec le contexte dramatique, la campagne adopta finalement les codes et les formes du marketing. Joie, logo arc-en-ciel, couleurs pastel, personnages heureux, jingle entêtant. Imagerie qui nous semble mièvre aujourd’hui, mais qui permit au camp démocrate de remporter la victoire.
Et si, à l’instar des opposants chiliens, nous mettions plus de couleurs dans nos présentations ?
Ma conviction est la suivante : dans une époque comme la nôtre aux accents souvent sinistres, il est vital de renverser la tendance, de penser – et de communiquer – l’espoir.
Notre instinct, notre formation, le climat économique actuel, la complexité des situations auxquelles nous sommes confrontés en entreprises… Tout nous pousse à nous focaliser sur le négatif.
Or, peu de gens se mobilisent sur des constats. Comme le remarquait justement Simon Sinek dans son livre « Start with Why », Martin Luther King a intitulé son fameux discours « I have a dream » (J’ai un rêve) et non « I have a plan » (J’ai un plan). Si tel avait été le cas, aurait-on observé la même mobilisation ? Le message aurait-il bousculé les consciences aussi profondément et inspiré un changement aussi radical ?
Pour soutenir activement un projet, nous avons tous besoin d’espérance. Cette espérance a deux noms en marketing : la promesse (claim) quand on parle du produit ou de la marque, les bénéfices quand on parle du consommateur/client. Des bénéfices qu’il revient à chacun(e) d’expliquer s’il (elle) veut mobiliser son auditoire.
Ce qui fait du bien
Attention, je parle ici de bénéfices, pas d’avantages ni de conséquences. Le mot bénéfice vient du latin : bene, bien et facere, faire. Demandez-vous sincèrement : en quoi mon projet fait-il du bien ? Dans quel avenir plus radieux nous projette-t-il ? Quelle conviction profonde porte-t-il ?
Il y a quelques années, j’ai mené un projet à l’échelle européenne pour mettre la politique marketing de mon entreprise en conformité avec les usages et la règlementation protégeant les données personnelles de nos clients. Abondante documentation, analyse des risques, liste des avantages attendus, instructions claires et rigoureuses en 4 étapes, mes correspondants locaux n’avaient qu’à suivre, pensais-je à l’époque. Erreur ! Des semaines et des dizaines de relances téléphoniques furent nécessaires pour enfin enregistrer les premiers retours. Etonnant quand on pense que le travail demandé ne leur prenait que 10 minutes… Maintenant, si je me mets à leur place, mon projet ne pouvait inspirer qu’un sentiment : l’ennui. D’accord, le sujet n’était pas des plus passionnants. Mais aucun de mes arguments ne fournissait à mes collègues ce que dont ils avaient besoin : une raison personnelle pour agir.
Mon plan détaillé en 1 diagnostic, 4 points et 3 avantages explorait largement le Comment et le Quoi du projet. Informations certes nécessaires mais inaptes à provoquer une identification telle que chacun aurait été poussé à agir. En revanche, commencer par relier la question des données personnelles à un Pourquoi plus profond – prendre soin de ma communauté et la protéger, et que ma communauté prenne soin de moi et me protège à son tour – aurait certainement changé la donne. Mes collègues auraient eu alors le désir d’agir. Pas pour moi, ni pour leurs clients, mais pour eux-mêmes : pour rejoindre la cause.
Choisir ses mots, prendre son temps
A l’heure de lancer votre projet, parlez donc bénéfices :
- Cherchez en vous-mêmes vos propres raisons d’agir.
- Ecartez celles qui tiennent des conséquences positives que votre projet aura – vous les utiliserez plus tard pour décrire le Quoi du projet.
- Concentrez-vous sur celles qui tiennent des bénéfices, votre vision, le Pourquoi de votre projet.
- Conservez-en toute la portée émotionnelle.
- Exprimez votre promesse finale avec des mots simples.
Ne mentez pas, ne survendez pas : un juste retour de bâton vous priverait alors de votre actif le plus précieux, la confiance. Sans elle, ce n’est pas ce projet qui sera compromis, mais tous ceux à venir.
Vous rencontrerez des résistances sur le chemin. Elles sont naturelles. Après tout, vos collaborateurs ne sont pas tous obligés de partager vos convictions à un instant T, surtout si votre projet leur impose de cesser des pratiques qu’ils affectionnent. Certains s’engageront à des stades ultérieurs, d’autres ne le feront qu’une fois mis devant le fait accompli. Votre objectif sera de mobiliser une première masse critique – 50%+1 pour le référendum chilien – les autres se rallieront selon leur propre rythme.